mardi 3 avril 2007

Raymond Depardon : trouver sa place



J‘avais une certaine appréhension parce que c’était mon premier voyage en Amazonie. Et j’avais cette préoccupation de ne pas être comme dans tous les voyages que l’on fait pour la première fois, c’était un peu comme une première rencontre. Bien sûr, je savais que c’était un grand peuple, j’avais lu des livres, des récits, mais je craignais d’être impressionné par la forêt parce que je suis plutôt quelqu’un qui vient du désert. Je connais surtout l’Afrique, où j’y ai vu des gens assez proches par certains aspects, mais en passant vite. Chez les Yanomami, il fallait que je trouve ma place, je suis très soucieux de ça, de trouver la bonne place.

J'étais seul, il n'y avait pas d'équipe qui les poursuivait comme des vautours pour les transformer, pour faire du people ou je ne sais quoi. Je ne me sentais pas paparazzi, et eux se savaient filmés, bien sûr, mais ça ne les changeait pas. Quand ils voulaient faire quelque chose ils le faisaient, et je restais à ma place. J’étais un visiteur, je passais, j’étais accueilli, reçu et même souhaité et ils ont offert leur image à quelqu’un qui ne connaissait même pas leur existence. J’ai tenu mon rôle de passeur, je suis un passeur. Je ne pense pas être un voyeur, en tout cas pas dans le mauvais sens du terme. Bien sûr qu'on l’est dès que l'on fait une image. Si je suis un voyeur, je suis un voyeur professionnel mais dans le sens de bien passer ; je sais ce que je fais là, pourquoi je le fais, je connais les réponses. Et donc à travers le cadrage et une façon de filmer où le montage n’est presque pas nécessaire, je livre ce que mon regard a capté et a conservé.

Le plus important c’est de se mettre à leur hauteur, avec des moyens. Il y a plusieurs façons de filmer les choses, la première c’est d’utiliser un matériel sophistiqué et le meilleur possible. Là je prendrai à l’Occident, au monde ‘civilisé’ cet avantage. Kodak m’a fourni son dernier film qui n’était même pas encore sorti et, sachant que j’allais tourner là-bas, ils ont avancé la date de livraison, l’ont fait monter spécialement à Rochester et me l’ont livré dans les délais pour que je puisse partir avec. Je trouve ça formidable. Que je filme Depardieu, Adjani ou les Yanomami, je veux le faire le mieux possible. J’ai toujours pensé que pour éviter le misérabilisme, il faut employer les meilleures techniques, que je filme une vedette ou un inconnu. Pour moi les Yanomami ont été des vedettes, des gens très importants.
Raymond Depardon

Paris, 20 décembre 2002
© R. Depardon/J.-P. Razon/Survival

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Amazonie, Carnet de voyage, Yanomami, fils de la Lune
Au coeur de la forêt amazonienne sur le Haut-Orénoque, entre Vénézuela et Brésil, vivent les Yanomami, fils de la Lune. Robert Taurines, reporter-photographe, a partagé pendant plusieurs mois le quotidien de ce peuple de guerriers.
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